Radio Maniok

« – Il va quand même falloir à un moment arriver à croire quelque chose.

– Tu veux croire en quelque chose ?

– Non. Je veux pas croire en quelque chose, je veux croire quelque chose. C’est très différent. »

 

Après 15 ans de péripéties sur son territoire à La Réunion, dans l'Océan Indien, en métropole et ailleurs, la compagnie Cirquons Flex se trouve à un carrefour important de son évolution, de sa vie, où le faire et le construire ensemble paraissent essentiels. En 2014, lors de la première résidence de territoire dans les Hauts de La Réunion avec le vidéaste Romain Philippon, la compagnie a fait la rencontre de Monsieur Nativel, vieil homme du Dos d'Ane, petit village situé à l'entrée du cirque de Mafate. Il nous racontait qu'entre 1940 et 1945, aucun bateau n'était venu à La Réunion, laissant la population livrée à sa seule capacité à subvenir elle même à ses besoins. Le nom donné à cette période, "Les Années Terribles", est révélateur de la manière dont les Réunionnais.e.s de l'époque l'ont vécue. Cette histoire a amené la compagnie à réfléchir à la capacité d'autonomie humaine et sur les notions de faire société et de groupe. 

Le spectacle Radio Maniok s'inscrit dans une dynamique circassienne acrobatique tout en s'appuyant sur les autres compétences des artistes au plateau. Avec la parole, le cirque, le mouvement dansé et la musique comme langage, la création s'appuiera sur l'écriture de Gilles Cailleau et la mise en piste de Nathalie Royer, pour faire jailleur des humanités parcourues par les inquiétudes, les convictions, les joies et les doutes. 

 

DISTRIBUTION

En piste : Alexa Althiery, Emilie Smith, Margreet Nuijten, Virginie Le Flaouter, Romuald Solesse, Eric Maufrois, , Toky Ramarohetra, Vincent Maillot
Direction artistique : Virginie Le Flaouter, Vincent Maillot

Mise en scène : Nathalie Royer

Regard extérieur et composition musicale : Erick Lebeau

Texte : Gilles Cailleau

Régie générale et création lumière : Thomas Xavier Farge
Régie son et musique : Sébastien Huaulmé

Régie son : Antoine Haigron

Costumes : Agnès Vitour
 


Administration : Maxime Paris

Production et Médiation : Manon Pliszczak, puis Manon Delaigue et Léonie Huet

Diffusion : Louise Sédilleau

 

 

PRODUCTION

Cirquons Flex, compagnie conventionnée par la DAC Réunion - Ministère de la Culture,  la ville de Saint-Denis, la Région Réunion et le Département de la Réunion. 

Coproducteurs : Les Bambous, Saint-Benoît (974) / Théâtre Luc Donat, Le Tampon (974) / Le Séchoir, Scène conventionnée, Saint-Leu (974) / CIRCa, Pôle National Cirque, Auch Gers Occitanie (32) / Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie (76) / Le Plongeoir – Cité du Cirque, Pôle Cirque Le Mans (72) / Le Prato, Pôle National Cirque à Lille (59) / Cirque Jules Verne, Amiens (80) / Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie I La Brèche, Cherbourg (50)

Résidences : Cité des Arts, Saint-Denis (974) / Théâtre les Bambous, Saint Benoît (974) / Le Séchoir, scène conventionnée, Saint-Leu (974) / CIRCa, Pôle National Cirque, Auch Gers Occitanie (32) / Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie I La Brèche, Cherbourg (50)/ Le Plongeoir – Cité du Cirque, Pôle Cirque Le Mans (72) / Cirque Jules Verne, Amiens (80)

Avec le soutien de : Union Européenne - REACT-UE / DGCA, Ministère de la Culture / DAC de La Réunion - Ministère de la Culture / Région Réunion / Département de La Réunion / Ville de Saint Denis, La Réunion / Adami / Spedidam / Onda

CALENDRIER 

2024
15-16 mars : - AVANTS PREMIERES - Le Prato , Lille (59)   
21-22 mars : - AVANTS PREMIERES - Théâtre de La Coupole, Saint-Louis (68) 
4-5-6 avril : - PREMIERES - Festival Spring, 2 Pôles Cirque en Normandie, La Brèche/Cirque-Théâtre Elbeuf (76)
30-31 mai, 1er juin - Le Manège, Reims (51) 
Juin - Le Mans fait son cirque, Le Plongeoir – Cité du Cirque, Pôl
e Cirque Le Mans (72) 

Du 19 au 28 septembre - Théâtre Les Bambous, Saint-Benoît (974) 

16-17 oct : Cirque Jules Verne, Amiens (80)
23 oct : CIRCa, Auch (32) 

2023
13 au 25 février : Résidence, Cirque Jules Verne - Pôle National Cirque et Arts de la Rue - Amiens (80)
17 avril au 15 mai : Résidence, Le Plongeoir Cité Du Cirque en préfiguration PNC Le Mans (72)
26 juin - 17 juil. : Résidence, 2 Pôles Cirque en Normandie, La Brèche/Cirque-Théâtre Elbeuf (50)
du 2 Oct au 5 novembre . :  Résidence de territoire, Trois Bassins, Le Séchoir, Saint-Leu (974)
4-5 novembre - AVANTS PREMIERES REUNION -  à Trois Bassins Bois de Nèfles avec Le Séchoir (974) 
Du 17 novembre au 1er décembre : - PREMIERES REUNION - 10 représentations dans le cadre du Châp'pa festival à l'Îlet Chapitô, à Saint-Denis (974) 


2022
27 avr. - 14 mai : Résidence, CIRCa, Auch (32)
22 août - 30 sept. : Résidence de territoire sous chapiteau, Chemin de Ceinture, Théâtre Les Bambous, Saint-Benoît (974)
21 nov - 19 déc : Résidence de territoire, Saint-Denis (974)

2021
Juillet/Août : Conception du Chapiteau et de son équipement
Septembre : 2 semaines de Résidence de Laboratoire à la Cité Des Arts à Saint Denis de La Réunion
Novembre : 4 semaines de Résidence de Laboratoire à la Cité Des Arts à Saint Denis de La Réunion

 

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Exposition "Portraits" du photographe Romain Philippon

Le photographe Romain Philippon a pris part à l’aventure en photographiant des habitant.e.s croisé.e.s durant les résidences sous chapiteau. Son travail a mené à une exposition mêlant portraits et échanges autour de la question de l’autonomie sous forme de portraits intimistes. L’affichage des 13 panneaux de l’exposition est possible sous chapiteau, en salle ou dans les halls d’entrée.

Photographe auteur indépendant depuis 2006, Romain Philippon vit et travaille à l’île de La Réunion. Depuis plusieurs années, il développe autour de la photographie documentaire des thématiques liées à l’insularité, sous ses formes géographiques et humaines, et ce principalement sur le territoire Océan Indien. Interrogeant sa pratique de l’image dans des projets variés, qui vont du documentaire photographique brut à l’expérimentation vidéographique avec d’autres artistes (récemment avec la compagnie Cirquons Flex ou la compagnie de danse Morphose), il aime mettre la poésie au cœur de son travail.

En 2017, son travail Commune do fé, sur le quartier de Commune primat à Saint-Denis, est présenté au festival Images Singulières à Sète, dans le cadre du projet collectif La France vue d’ici. La même année, il anime avec Morgan Fache un workshop à l’école des beaux-arts de La Réunion, où il invite les étudiants à questionner les limites de la photographie documentaire. En 2018, il co-fonde à La Réunion le collectif pluridisciplinaire Contrebande, avec Hippolyte et Samuel Malka. Enfin, depuis plusieurs mois, il développe un travail de recherche photographique sur son identité, celle de ses enfants, et de leurs territoires, multiples entre La Réunion et la métropole. Romain Philippon est aujourd’hui membre d'Inland.

 

 

« Vous travaillez à la douane ? » j’ose lui demander lorsqu’on passe devant chez lui alors qu’il est en train d’enduire sur ses murs extérieurs. Valaire porte en effet un logo des douanes sur son polo qui lui sert de blouse à bricoler. Après un court silence, et après avoir regardé le logo sur sa poitrine, il me répond sans sourire : « Non, c’est une contrefaçon ! ». Valaire a vécu plusieurs années près de l’aéroport de Roissy, et travaillait effectivement en tant que douanier. Il a réussi à finir sa carrière à La Réunion, et s’est installé à Chemin de ceinture. Son rêve pourtant, serait d’aller vivre en Australie. Ses collègues le surnommaient d’ailleurs « Crocodile dundee ».

 

En ce moment, il termine sa maison, qu’il a acheté en 1991. Doucement, il va la terminer, lui-même. Et puis ensuite, il pourra peut-être la vendre, pour partir.

 

« La musique, on est tombé dedans quand on était petit » m’explique t-on en me faisant le tour du propriétaire. « Il faut que tu reviennes on te fera un concert ! ».

Le Maloya est le premier sujet de conversation qui sort naturellement dans la famille Persée. Puis, comme dans de nombreuses familles réunionnaises, on passe à un autre sujet important : la cuisine. On m’emmène voir la cuisine au feu de bois qui semble en effet bien utilisée. Le maïs est en train de sécher au dessus des marmites. Charles-Henri me fait ensuite la visite complète de la petite case créole familiale tenue par ses parents Christian et Guilène. Tout semble bien à sa place, et chaque recoin est utilisé. Je lui demande s’ils cultivent un peu quelque part, car je ne vois pas vraiment d’endroit où planter dans la minuscule cour familiale. Charles-Henri ouvre alors une porte qui donne sur la ravine derrière chez eux : tout pousse ici !

 

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La production locale couvre 42% des besoins en fruits, légumes, oeufs et viandes, mais seulement 18% du marché alimentaire global. Le gaspillage alimentaire en restauration scolaire oscille entre 30 et 39%. Un.e habitant.e réunionnais.e en zone urbaine gaspille en moyenne 14 kilos de nourriture chaque année.

La superficie consacrée à la canne (22 664 ha) correspond à environ 53% de la superficie agricole utilisée de La Réunion. Près de 3 400 exploitations consacrent tout ou partie de leurs activités à la culture de la canne à sucre. Ces exploitations emploient quelques 10 500 personnes dont 6 700 de manière permanente et 3 800 à titre saisonnier.

Une partie des fruits et légumes consommés à La Réunion est importée sous forme de produits frais (environ 30 000 t), et conserves, surgelés plus produits secs (26 500 t). On a importé 40 079 tonnes de riz et 10 851 tonnes de farine en 2021 à La Réunion.

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Philippe
Fusil

 

"Entre deux bouffées de cigarette, ses histoires changent de direction sans cesse. Peut-être parce qu’on parle du tan lontan, et que les souvenirs ressurgissent au fur et à mesure."

 

Charles travaillait à Saint-Benoit, où il vit actuellement. Mais depuis la retraite, il vient chaque jour sur son bout de terrain à Chemin de ceinture, pour faire pousser quelques légumes, des bananes et nourrir ses poules. Il me montre fièrement sa récolte de safran, me fait goûter sa confiture de pamplemousse, et m’offre une petite citrouille du jardin. Un voisin qui passe par hasard repart avec une main de bananes et quelques brèdes. Sur son terrain, il y a un temple tamoul en construction, dont il s’occupe avec ses enfants. Ses journées ont l’air bien chargées pour un retraité. « Mais il faut bien ! Le maïs ça pousse pas tout seul ! ». Il m’explique sa jeunesse difficile, et les salaires envoyés à sa maman pendant plusieurs années.

 

L’autonomie, il n’y croit pas trop. « Comment veux tu être compétitif ? Combien de temps pour récolter un bok de maïs ? Et combien d’argent dépensé ? Alors qu’on trouve la même chose pour dix fois moins cher au supermarché... ». Puis il me raconte son enfance dans les hauts de Dos d’âne. Ses parents allaient faire des plantations sauvages au bord des sources d’eau, et laissaient les graines se développer seules, en pleine forêt. Il trouve ça ingénieux avec le recul. Une forme d’autonomie finalement. Puis soudainement, il me lance « Tu veux voir mes poules ? ».

 

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Mr Nativel, chez lui, en 2014

 

 

 

 

J’avais rencontré Marcellino, son mari, la semaine précédente. Mais quand je reviens lui montrer la photo que j’avais faite de lui, c’est Paulette qui tient la boutique. Elle dit « boutique », car quand elle était petite, il fallait trois personnes pour compter la caisse en fin de journée. L’étal était bien garni, et les pauses étaient rares. Aujourd’hui, la boutique s’apparente plutôt à un stand sur le bord de la nationale. Quelques bibasses, des pots de confiture, et des fleurs. Pas de quoi remplir une marmitte. Avant, les agriculteurs du coin lui remplissaient ses rayons, et tout le village faisait ses courses ici.

 

« Aujourd’hui en fin de journée, je compte la caisse en deux minutes, et toute seule ! » m’explique Paulette, un peu désabusée, mais pas naïve. « Les gens font leurs courses au supermarché, que veux tu ? ».

 

Il y a 68 ans, Rico naît à la Bretagne. Dans une famille de huit, il n’a pas ce qu’on appelle une vie facile, mais « c’est le cas de beaucoup de monde à cette époque. Le soir, on réchauffait un fond de riz avec de l’eau pour faire un bouillon ». « Être autonome, c’est ce que j’essaye de faire depuis 42 ans. » m’explique t-il, assis sur les immenses gradins vides en béton qu’il a construit pour son rond de longe. L’édifice, bâti au fond de sa ferme équestre (près de Grand Bassin) paraît gigantesque, et n’est plus aujourd’hui habité que par quelques irréductibles pigeons. Rico avait des envies de culture, de spectacles, de fêtes populaires. Mais la paperasse, les restrictions, les visites de conformité et autres mises aux normes ont eu raison de son courage. Aujourd’hui il s’est reconcentré sur les balades équestres. « On est pas obligé d’atteindre l’Everest. Monter un bout de la montagne c’est déjà bien. »

 

Rico est une figure maintenant connue des réunionnais.es. Pendant la période des gilets jaunes, il a fait le tour de l’île à cheval, en montrant son visage sur les plateaux de télévision. Lui aussi a pensé que les choses pouvaient changer. « Toute ma vie j’ai essayé de fabriquer quelque chose, pour ne pas à avoir accepter toutes les couillonnades du système, et ne pas devoir courber l’échine.». Sa voix se brise quand il évoque ses ami.e.s qui se sont suicidé.e.s parce qu’ils étaient étouffés sous les dettes. Agriculteurs, chefs d’entreprises, il en a vu beaucoup perdre le cours des choses, et abandonner. Selon lui, c’est bien leur dépendance à un système qui serait en cause. Aujourd’hui il cultive encore quelques légumes, mais seulement pour lui, car il n’a plus la force pour faire plus.

ACTU@CIRQUONSFLEX